Conférences et colloques
Colloque « L’art, révélateur du dialogue des religions »
L’ISTR encourage l’esprit de dialogue entre les religions. Ce colloque souhaitait proposer un dialogue artistique et théologique entre différentes sensibilités spirituelles, chacune exprimant dans quelle mesure l’Art rejoint la Spiritualité et entraîne à une recherche vers l’indicible et l’unité.
La soirée a été confiée à l’artiste Yazid Oulab.
Né en Algérie, vivant et travaillant à Marseille, Yazid Oulab allie une mystique nourrie de soufisme et une maîtrise de matériaux auxquels il insuffle la poésie d’une écriture symbolique. Il s’inspire dans l’héritage familial de la rencontre d’un milieu ouvrier et intellectuel. Invisible dans l’architecture, le clou grandit à l’échelle d’un corps d’homme ; le silex, glissé en pointe de graphite dans une perceuse électrique, dessine l’énergie d’un corps de Christ et dénonce la violence faite au Verbe ; deux poignards en peau de mouton conjuguent l’objet du sacrifice, allusion à Isaac et Ismaël, et le sacrifice. Yazid Oulab ouvre les bras tatoués de sa grand-mère jusqu’au lien universel, feu qui éclaire et trace un passage vers l’expérience de l’intériorité et du sacré.
La journée du 6 novembre, se sont succédés différents intervenants :
→ Colette Poggi, indianiste et sanskritiste : Dans l’hindouisme, l’art, traduction d’une expérience inexprimable de l’absolu, est relié au rite originel de la création. Anamnèse d’un inconscient dont il nous faut sans cesse remonter les degrés pour passer de la conscience du seuil et de la forme à celui de la conscience seule. Les écoles d’une immense pluralité partagent toutes l’expérience sensible de la gustation du sacré, « goûter au pistil de la fleur du bananier dans la fosse sacrificielle du cœur ». Etre doué d’un cœur, c’est faire l’expérience trans-individuelle de la béatitude et la paix.
→ Christine Kontler, docteure en sciences des religions et sinologue : Au départ la tradition artistique est « aniconique » ou symbolique et l’image du Buddha n’est que suggérée. A l’ère chrétienne, les Bouddhistes sont passés à des figurations anthropomorphes. L’apparition de l’image du Bouddha reste inexpliquée : influence de l’hellénisme ? Les icônes sont destinées à être vénérées et posent la question des trois natures de Bouddha : le corps de la loi, irreprésentable ; celui de métamorphose, ordinaire ; et celui de jouissance, corps glorieux, visible seulement à l’œil de la foi.
→ Xavier Manzano, ancien directeur de l’ISTR et philosophe : Selon Platon, le principe de la philosophie n’est rien d’autre que l’étonnement. Au début est le chaos, abîme que rien ne limite. Le rapport au réel me projette à la place du témoin direct, en contemplation. Qu’est-ce que la pensée ? Un appel à prendre en charge le mystère de ce que montre l’objet (tentation de l’idole) et de ce qu’il cache (audace du symbole). Etre, c’est jouir de l’être par la conscience qui jaillit de la relation et du récit artistique, mythologique ou religieux. Etablir un lien entre forme (contrôle) et ivresse (excès de forme), c’est là l’enjeu de la pensée et de l’art.
→ Lucienne Bozzetto, maître de conférence et spécialiste de littérature comparée : Pour le judaïsme, lire l’hébreu c’est déjà parier sur l’invisible : l’écrit n’utilise que les consonnes et la parole est retrouvée dès que s’introduisent les voyelles. L’étude par comparaison des valeurs numériques de chaque mot, par décomposition, ou par division d’un mot, produit plusieurs niveaux de lecture. Au désert, les juifs se sont nourri de la question : la manne (« Qu’est-ce que c’est ? ») L’interdit de l’image (Ex 20,4) est-il ou non absolu ? Rembrandt et Chagall sont deux peintres qui font dialoguer représentation du judaïsme avec christianisme ; Rothko opère un retour à l’invisible.
→ Bernard Maitte, prêtre et membre du Service National de Pastorale Liturgique et Sacramentelle à Paris : Le christianisme a-t-il besoin de l’art et si oui, quel est le sens de l’art dans la médiation divine ? La musique sacrée, la liturgie (l’art de célébrer le rite) et l’architecture, sont le signe visible de la Révélation accessible à tous. Jésus n’a pas écrit mais le Christ est Parole, liée à ses gestes. Dieu est un artiste, il se dit dans la Création. Le symbole dans l’art donne accès à l’axe du dialogue : Dieu vient vers nous et les hommes lui sont liés et le sont entre eux.
→ Ahmed Bouyerdène, chercheur en histoire, spécialiste d’Abd-el-Kader : L’art de l’islam ne peut se contenir dans une forme, ni l’homme dans un corps ; l’un et l’autre montrent ce qui ne peut être montré. Ils sont le symbole de l’infini caché au creux du fini. Plus que des lettres, les lettres sont des archétypes. L’encre signifie l’essence et la plume renvoie au souffle. En écrivant le Coran, le calligraphe signe une matière vivante. La première lettre « Alif » est à l’origine un point qui s’est allongé, tel le big-bang, tel l’homme qui nait d’une cellule. Si l’art musulman pose question aujourd’hui, c’est que le symbole a perdu son sens. Dieu a créé le monde et tout est signe.