ICM

Master class 17 – Mardi 7 avril 2026.

19h-21h.

Zoonoses et pandémies : lorsque se brouillent les frontières entre espèces.

Repartant de ses travaux de recherche en Asie, Frédéric Keck montrera en quoi l’apparition de nouveaux virus et de pandémies est favorisée par les activités humaines : la déforestation, l’élevage intensif, le commerce d’animaux sauvages, le réchauffement climatique… autant de facteurs aggravants des zoonoses. Les crises sanitaires, comme celles que nous avons traversées ces dernières années, risquent donc de se multiplier à l’avenir. De fait, les frontières entre le « sauvage » et le « domestique » sont brouillées. Et ces maladies animales sont le signe d’une transformation que l’espèce humaine impose à son environnement. D’où l’appel qu’il lance à repenser nos comportements alimentaires à l’égard des animaux. Si la charge anthropique contribue à l’émergence de ces zoonoses, les mesures prises pour contrôler les réservoirs viraux modifient tout autant les relations entre humains et animaux. Il souligne à ce sujet le rôle primordial joué par les « sentinelles » : ces animaux révélateurs des franchissements de barrières d’espèces par les pathogènes. Sur la base de ses travaux avec les « chasseurs de virus », il propose le concept de « cryopolitique », nous invitant à dépasser les relations de type pastorale (domination, soin, prévention) pour revisiter les relations cynégétiques propres aux société de chasseurs : tout comme le chasseur prend le point de vue de l’animal chassé, il nous invite à adopter le point de vue du virus qui cherche à cohabiter avec les humains ; un véritable renversement de point de vue. Frédéric Keck nous propose ainsi de passer d’un modèle de « précaution » à un modèle de « préparation ».

Frédéric KECK

Directeur de recherche au Laboratoire d’anthropologie sociale (CNRS – Collège de France – EHESS). Après des études de philosophie à l’Ecole Normale Supérieure de Paris et d’anthropologie à l’Université de Berkeley (Etats-Unis), il a effectué des recherches sur l’histoire de l’anthropologie et sur les questions biopolitiques contemporaines posées par le grippe aviaire. Il a reçu la médaille de bronze du CNRS en 2012 et dirigé le département de la recherche du musée du Quai Branly entre 2014 et 2018. Il réalisa plusieurs séjours à Taïwan et Singapour entre 2010 et 2014. Au cours de ses voyages, il visite des laboratoires, des marchés chinois, travaille au Centre d’étude français sur la Chine contemporaine. De cette expérience est notamment tiré le livre : Un monde grippé (Flammarion, 2010). Sa conclusion est simple : « Les maladies animales expriment des transformations profondes dans les relations entre les humains et les animaux, qui sont constitutives de la façon dont les humains penser et agissent sur leur environnement. » En clair : si l’homme ne modifie pas son rapport à la nature, les pandémies vont se succéder. L’apparition de la Covid-19 confirme son travail.